Line Castonguay est chargée de cours à la faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal, conférencière internationale et présidente de Castonguay Design qui agit à titre de consultante en aménagement durable et facilitatrice en design collaboratif. Membre certifié APDIQ + DIC + CBDQ (LEED) + LBC + RQFE
L’ère du développement durable apporte des changements profonds dans la structure des projets de conception et de construction de bâtiment. Les nouvelles politiques, normes et certifications écologiques nécessitent de nouvelles façons d’aborder les projets de rénovations et constructions de bâtiments durables. La mise en œuvre de ceux-ci est d’autant plus complexe car elle implique la participation accrue des parties prenantes avec des besoins et des attentes multiples (clients, gestionnaires, architectes, ingénieurs, urbanistes, designers, entrepreneurs, etc.). Des études démontrent que les pratiques de collaborations interdisciplinaires sont considérées des conditions premières à la performance de bonne conception et de construction de bâtiments (Forgues , 2009). Elles suscitent le dialogue entre les différents acteurs de l’environnement bâti afin de trouver des solutions créatives et innovantes pour une plus grande performance des processus de décision dans le but ultime d’offrir des bâtiments de qualité.
Le développement durable impose de nouvelles façons de réfléchir sur les rapports entre l’humain et la nature mais aussi entre les humains. Les relations formelles lors de l’élaboration de projet doivent être complémentées par des échanges informels pour un niveau supérieur d’intégration vers un engagement commun. On constate que les méthodes de collaboration permettent d’unifier le complexe système d’acteurs qui accompagne la réalisation d’un bâtiment.
Mon rôle de facilitatrice, impliquée dès les débuts de projets, suggère la bonne marche du dialogue entre les parties prenantes. Encourager l’intégration de diverses disciplines à bonifier le projet avec l’usage de méthodes de consultations poussées s’avèrent efficaces à résoudre les conflits de perspectives entre les parties prenantes. Il s’agit de, non seulement, s’entendre sur les aspects techniques mais aussi sur des valeurs et des objectifs communs à la conception des projets. Des séances participatives et charrettes de conception sont utilisées pour permettre aux différents usagers d’exprimer librement leurs besoins et points de vue face à l’aménagement en devenir afin d’aboutir à une cueillette des besoins exhaustive qui sert de prémisse au projet. Par la suite, il s’agit de réunir une équipe multidisciplinaire de professionnels de l’environnement bâti pour effectuer un Processus de Conception Intégré (PCI) afin qu’ils établissent les objectifs à atteindre, les stratégies à employer et effectueront des échanges d’idées qui soulèvera les principales questions et préoccupations tôt dans le processus afin de cerner une vision commune des différents intervenants au projet. Il est prouvé que ces méthodes permettent une plus grande efficacité, une réduction des coûts des honoraires des professionnels et de constructions supplémentaires, l’amélioration de la qualité environnementale et une meilleure qualité des processus de décision des différentes parties prenantes (Kibert,2007).
La méthode conventionnelle où l’architecte transmet à l’ingénieur les plans du bâtiment dont il a fait la conception pour que celui-ci puisse y intégrer sa partie ne permet pas l’optimisation des systèmes des ingénieurs. Le design durable requière plutôt une consultation des différents professionnels de l’environnement bâti en amont du projet.Bien que la philosophie du LEED suggère fortement d’atteindre collectivement les objectifs de durabilité du projet dans le contexte du PCI, on constate que les structures organisationnelles demeurent conventionnelles où l’ingénieur, l’architecte, le client et l’entrepreneur sont impliqués alors que certains professionnels comme, par exemple, le designer d’intérieur est peu présent.
Par extension, l’architecture d’enveloppe est spécifique à l’architecte et le contenu intérieur est spécifique au designer d’intérieur pour complémenter l’œuvre architecturale avec des connaissances poussées sur ce qui constituent les ambiances intérieurs à créer (Ouellet, 1992). Ce dernier conclut que la partie intérieure du bâtiment a des effets actifs et rétroactifs sur l’extérieur de celui-ci et, par le fait même, est partie intégrante du processus de conception du bâtiment. Pour l’obtention de la certification LEED, on constate que l’architecte peut intervenir sur les six catégories de alors que le designer d’intérieur sera habileté à contribuer sur cinq de ces catégories. Ainsi, lors de la conception du bâtiment durable, l’architecte demeure le chef d’orchestre qui conçoit et supervise la construction du bâtiment et se doit de respecter les tâches qui reviennent aux autres professionnels. Le mot d’ordre est coopération entre les différentes parties impliquées pour éviter les conflits.
Le monde de la conception et de la construction de bâtiments au Québec est en profonde mutation. De plus en plus de firmes offrent un service intégré de professionnels de l’environnement bâti regroupés sous un même toit. La firme Aedifica est un bon exemple de collaboration multidisciplinaire où les services d’architecture, d’ingénierie, de design d’intérieur et de graphisme y sont intégrés. La firme possède même un département de développement durable qui se greffe lors de l’élaboration des projets pour une démarche écologique optimisée (avec ou sans LEED). Des membres de l’équipe nous ont mentionné que cette structure organisationnelle facilite la collaboration entre les professionnels pour la bonne marche du projet. La communication semble plus fluide et les interactions informelles des équipes à l’interne procurent efficacité et efficience. Leurs clients avouent qu’il est plus facile de transiger avec une seule firme pour un projet de construction de bâtiment qui nécessite une multiplicité de services professionnels. La dynamique de consultation des professionnels de l’environnement bâti que l’entreprise applique dès le début de l’élaboration des projets minimise le travail en silos pour permettre d’optimiser l’expertise de chacun au service des projets.
Bref, il s’agit que les parties prenantes au projet réfléchissent, soient entendues et communiquent ensemble le plus possible, et cela, dès le début du projet afin de créer des synergies qui tendent à la concertation. Il est prouvé que des processus collaboratifs par l’examen concerté de tous engendrent une qualité de projet accrue où les délais et les coûts seront plus propices à être respectés. « Quand cette démarche est accompli correctement, on obtient un ouvrage dont le tout est plus grand que la sommes des parties » (Zimmerman, 2005, p.9).
BIBLIOGRAPHIE
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